Dès son deuxième Séminaire, Lacan introduit le terme de « féminisation 1 » à propos des personnages du conte d’Edgar Poe, « La lettre volée », lorsque ceux-ci entrent en possession de la missive. Leur façon d’être s’en trouve modifiée : ils baissent la garde comme le ministre ou montrent leur jouissance comme Dupin. C’est que la lettre n’est pas ouverte, on ne connaîtra jamais son message, elle fait trou, porteuse de jouissance féminisante et non de sens. Le sens, en effet, « toujours religieux 2 », est situé de fait côté phallique. On retrouve ainsi le terme de féminisation, à propos de Schreber 3. Le réaménagement de la jouissance lui redonne un corps, il parvient ainsi à s’extraire de la dissolution imaginaire, de la mort subjective, du déchet. À partir de ce cas paradigmatique, des modalités singulières infinies d’index d’une plus ou moins grande féminisation peuvent être retrouvées dans les psychoses. Le pas suivant est celui du sinthome. Dès lors, c’est le féminin qui colore la jouissance. Entre autres, le féminin touche la position de l’analyste, devenu à même d’occuper, dans la cure, la place de semblant d’objet a.
1. Lacan J., Le Séminaire, livre ii, Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1978, p. 234.
2. Lacan J., « Lettre de dissolution », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 318.
3. Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 569.